France 2030 : appel à projets pour des plateformes IA souveraines

France 2030 : appel à projets pour des plateformes IA souveraines

Le gouvernement français renforce sa stratégie nationale en intelligence artificielle (IA) en lançant un appel à manifestation d’intérêt (AMI) destiné à sélectionner des projets d’envergure nationale. Cette initiative, dévoilée sur le portail officiel economie.gouv.fr le 26 novembre 2025, vise à identifier des partenaires capables de concevoir, structurer et porter des plateformes d’IA stratégiques pour la souveraineté numérique de la France. Cette démarche s’inscrit dans une volonté plus large de positionner la France comme un leader européen dans le développement et l’industrialisation de solutions fondées sur l’intelligence artificielle.

Un appel à manifestation d’intérêt pour structurer l’écosystème national de l’intelligence artificielle

L’initiative portée par le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique vise à capitaliser sur les forces nationales dans le domaine de l’IA. Le but de l’AMI est explicite : identifier et soutenir des consortiums industriels, académiques ou mixtes qui pourront porter des projets à fort impact, notamment en lien avec des « plateformes souveraines d’intelligence artificielle ». Ce terme désigne des structures ouvertes qui mutualisent données, ressources, capacités de calcul, modèles, ou expertise, pour répondre aux besoins concrets de secteurs stratégiques.

Des plateformes d’IA ouvertes au service de l’innovation souveraine

À travers cet AMI, l’État appelle à la constitution de projets capables de garantir l’indépendance stratégique de la France vis-à-vis des solutions technologiques étrangères dominantes. Les plateformes ciblées n’auront pas vocation à concurrencer directement des géants numériques américains ou chinois, mais à créer un socle commun d’innovation, interopérable, sécurisé et pérenne au profit du tissu industriel, des startups et du monde académique français.

Les projets attendus devront donc démontrer un fort potentiel d’accélération dans plusieurs verticales prioritaires (santé, mobilité, industrie, énergie, agriculture, etc.). Cette mutualisation des efforts a pour ambition d’éviter la fragmentation actuelle de l’écosystème, en fédérant les acteurs autour de modèles structurants et d’infrastructures techniques robustes.

Échéances et modalités de dépôt des projets

Les candidats intéressés peuvent déposer leur intention jusqu’au 31 janvier 2026. Une sélection des meilleures intentions donnera lieu à des soutiens ciblés, sous forme de financements publics, dans le cadre des Programmes d’investissements d’avenir ou du plan France 2030. L’État recherche des porteurs capables de montrer une dynamique collective, de disposer d’une gouvernance solide, et surtout, d’apporter des retombées concrètes pour l’économie nationale et l’indépendance technologique.

Un cadre stratégique cohérent avec la feuille de route française pour l’intelligence artificielle

Le lancement de cet AMI s’inscrit dans la continuité des annonces faites par le gouvernement depuis 2018, année du lancement de la première stratégie IA nationale (rapport Villani). Depuis, la France a renforcé ses ambitions à travers « France 2030 » et la stratégie IA 2, annoncée en 2021, puis précisée en octobre 2024 par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.

Trois objectifs prioritaires pour l’État dans le domaine de l’IA

La stratégie française repose désormais sur trois axes structurants :

  • Former massivement aux compétences en IA : le plan prévoit de multiplier les formations spécialisées dans l’intelligence artificielle (cycle universitaire, grandes écoles, cursus professionnels) pour répondre aux besoins croissants du marché : chercheurs, ingénieurs, data scientists, spécialistes en cybersécurité IA, etc.
  • Soutenir les talents, la recherche fondamentale et le transfert technologique : l’accent est mis sur la recherche publique, l’industrialisation des résultats scientifiques, l’accès aux infrastructures de calcul, et la création de centres d’excellence en lien avec les universités françaises.
  • Développer un écosystème d’innovation souverain, éthique et durable : l’IA doit répondre aux valeurs européennes (transparence, redevabilité, sécurité des usages), tout en structurant l’ensemble des filières industrielles via des cas d’usages très concrets.

Plusieurs initiatives concrètes ont déjà été lancées : centres d’excellence IA partout sur le territoire, soutien aux startups deeptech, appels à projets dans des domaines comme la santé ou l’agriculture de précision. L’AMI annoncé constitue donc une nouvelle brique dans ce programme ambitieux.

Des collaborations internationales mais une volonté affirmée de souveraineté

En complément de ses efforts nationaux, la France participe également aux initiatives européennes telles que le projet GAIA-X ou la réglementation IA Act, qui encadrera les usages des technologies à fort impact dès 2026. Cependant, le discours gouvernemental reste clair : bien que les coopérations soient essentielles, la maîtrise des données, des modèles de base (foundation models), et des infrastructures doit reposer sur des capacités européennes, voire nationales, pour préserver l’autonomie stratégique en matière d’IA.

Des impacts attendus pour l’économie, l’industrie et les services publics

Au-delà du soutien aux porteurs de projet, l’appel à manifestation d’intérêt va favoriser un changement structurel profond au sein du tissu économique français. L’implantation de plateformes souveraines d’IA dans plusieurs secteurs d’activité permettra d’accélérer la transformation numérique et de moderniser les process industriels.

Des cas d’usage concrets, transversaux et mutualisés

  • Dans l’industrie manufacturière, les plateformes IA pourront améliorer la maintenance prédictive, l’optimisation de la chaîne logistique et la réduction de l’empreinte carbone.
  • Dans la santé, elles faciliteront les diagnostics assistés, les analyses d’imagerie médicale ou la surveillance épidémiologique.
  • L’énergie bénéficiera de modèles pour la prédiction de la consommation, la gestion intelligente des réseaux (Smart Grids) ou l’efficacité des énergies renouvelables.
  • L’agriculture pourra s’appuyer sur des systèmes d’aide à la décision pour la gestion des cultures, l’optimisation des ressources ou la surveillance environnementale.

L’objectif est clairement de créer des effets de levier : avec des outils mutualisés, les PME et ETI pourront accéder à des ressources technologiques de pointe sans avoir à les développer seules. Cela facilitera la démocratisation de l’IA responsable dans tous les tissus économiques.

Un levier pour la transformation des services publics

Le secteur public pourrait aussi bénéficier de cette impulsion. Identification des fraudes fiscales, simulation intelligente des politiques publiques, traduction automatique dans les relations multilingues de l’administration, ou optimisation du traitement des demandes : les cas d’usages sont nombreux. Des projets pourraient émerger dans le champ éducatif (tutoriels personnalisés, détection des risques de décrochage scolaire) ou sécuritaire (analyse vidéo assistée par IA dans des contextes de prévention).

Les critères de sélection des projets innovants en IA : excellence, souveraineté, impact

L’État impose des critères stricts pour sélectionner les projets dans le cadre de l’AMI. Chaque candidature sera jugée selon sa capacité à répondre à plusieurs critères d’excellence :

  • Pertinence scientifique et technologique : le niveau d’innovation proposé devra être démontré, avec des fondements solides en IA avancée, mathématiques appliquées, systèmes distribués, ou encore HPC (calcul haute performance).
  • Capacité de mutualisation : l’État attend des structures fédératrices, capables d’agréger des partenaires divers (industriels, académiques, startups) et de proposer des standards ouverts compatibles avec les écosystèmes existants.
  • Effet levier économique : les projets devront montrer leur capacité à dynamiser les filières locales, à lancer de nouveaux services et à préserver la compétitivité des entreprises françaises face aux solutions exogènes.
  • Engagement sur les valeurs éthiques : respect de la vie privée, transparence des algorithmes, auditabilité, lutte contre les biais… autant d’enjeux fondamentaux qui feront partie du processus d’arbitrage pour les projets subventionnés.

Un soutien ancré dans la durée avec France 2030

Le dispositif de soutien s’inscrit dans le plan France 2030, doté de 54 milliards d’euros, dont plusieurs milliards spécifiquement alloués aux technologies numériques critiques. Cette perspective de financement dans la durée est une opportunité stratégique pour lever les freins structurels rencontrés par les projets IA (coût des serveurs, accès aux données, modèles open-source, etc.). En proposant un parcours stable et de long terme aux initiatives les plus prometteuses, l’État entend créer un « effet d’entraînement » à grande échelle.

Vers une consolidation du leadership français et européen en intelligence artificielle

À l’heure où la Chine et les États-Unis accélèrent leurs investissements dans des modèles de fondation propriétaires (GPT, Claude, Gemini…), la France fait le pari d’une IA ouverte, éthique et tournée vers les besoins concrets de ses acteurs économiques. Avec ce nouvel appel à manifestation d’intérêt, le gouvernement veut s’assurer que les capacités de traitement, les modèles entraînés, et les solutions opérationnelles soient mieux distribuées, plus accessibles, et portent l’économie réelle.

Alignement avec les initiatives européennes stratégiques

La démarche nationale française s’articule également avec les projets de cloud européen (comme les labels SecNumCloud), les travaux du centre d’expertise européen sur l’IA (le ELISE), et les discussions en cours sur l’implémentation du Règlement IA (IA Act). L’objectif : promouvoir un « AI made in Europe » respectueux des droits fondamentaux, des conditions de concurrence équitables, et des valeurs démocratiques.

Conclusion : un virage décisif pour l’autonomie technologique française

En lançant cet appel ambitieux à projets sur les plateformes d’intelligence artificielle souveraines, le gouvernement français confirme sa volonté de structurer un écosystème technologique robuste, compétitif et éthique. Au-delà du simple soutien financier, l’enjeu est d’orchestrer une transformation systémique qui profitera à l’ensemble de l’économie — industrie, services, recherche, éducation — tout en garantissant la souveraineté numérique du pays. Les mois à venir seront déterminants pour sélectionner les projets les plus prometteurs et poser les premières pierres de ce qui pourrait devenir un levier stratégique majeur pour la compétitivité française et européenne dans la décennie à venir.

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