Alors que l’intelligence artificielle transforme à grande vitesse nos sociétés, nos entreprises et nos habitudes quotidiennes, un événement singulier attire l’attention à Grenoble : un “procès de l’IA”, ouvert au public et mettant littéralement l’intelligence artificielle sur le banc des accusé·es. Organisé par ECHOSCIENCES – Grenoble, ce rendez-vous s’inscrit dans une semaine plus large de réflexions et d’échanges consacrés à l’IA et à ses implications. Loin des simples conférences techniques, ces événements offrent un espace de débat citoyen, artistique et éthique, illustrant un changement majeur dans la manière dont nous abordons cette technologie. Immersion dans une actualité où innovation, démocratie participative et éducation se conjugent pour poser les bonnes questions autour de notre futur numérique.
Une semaine d’intelligence artificielle à Grenoble : entre conscience sociale et innovation technologique
“L’IA est là” : une initiative publique pour interroger le rôle de l’intelligence artificielle
Du 3 au 9 juin 2024, l’agglomération grenobloise a consacré une semaine complète à explorer l’intelligence artificielle sous toutes ses coutures, dans le cadre de l’événement intitulé “L’IA est là”. Cette série de rencontres et ateliers a été portée par le média collaboratif ECHOSCIENCES – Grenoble, avec le soutien de nombreux acteurs scientifiques, culturels, éducatifs et économiques de la région.
Objectif : démystifier l’IA, mettre en lumière ses impacts actuels et futurs, et surtout inviter les citoyens à se positionner face aux transformations profondes qu’elle induit. Contrairement aux colloques classiques réservés à un public de chercheurs ou d’entrepreneurs, cette démarche se distingue par une volonté d’inclusion et de vulgarisation. Elle s’adresse autant aux adolescents curieux qu’aux professionnels en reconversion, aux parents désemparés qu’aux enseignants en quête de pédagogie numérique.
Le cœur de cette semaine repose sur le besoin impératif de créer du lien autour d’un sujet souvent perçu comme opaque ou réservé aux élites tech : “Que fait l’IA aujourd’hui ? Quelles décisions prenons-nous pour demain ?”.
Des formats innovants pour impliquer les citoyens dans la gouvernance technologique
De nombreux formats créatifs ont rythmé cette semaine de l’IA : cafés scientifiques, ateliers participatifs, démonstrations d’outils d’intelligence artificielle dans les établissements scolaires et débats publics interactifs. Mais l’un des événements les plus marquants reste “Le procès de l’IA”, qui a suscité une forte mobilisation citoyenne.
Cette chaleur de la participation révèle un tournant dans notre rapport à la technologie : nous ne voulons plus seulement consommer ou subir l’IA, mais en débattre, la juger, la comprendre — et éventuellement en tracer les limites collectivement.
Le Procès de l’IA : un tribunal citoyen pour penser collectivement les enjeux éthiques
Un dispositif participatif inédit à la croisée du théâtre et de la réflexion citoyenne
Inspiré à la fois par le tribunal populaire et l’art de la mise en scène, “Le procès de l’IA” propose une immersion originale dans une question de société brûlante : l’intelligence artificielle peut-elle être tenue responsable de ses actes ? Quel rôle jouent ses concepteurs, ses utilisateurs, les lois en vigueur ? En invitant le public à prendre le rôle de juré·e, cet événement transforme le citoyen en acteur décisionnaire.
Organisé dans une mise en scène semi-théâtralisée, avec des plaidoiries, des témoins à la barre, et une délibération finale collective, ce “procès” symbolique devient un formidable outil de sensibilisation. Il ne s’agit pas de condamner une technologie, mais d’introduire un débat crucial : jusqu’où doit aller notre confiance envers les systèmes automatisés ?
Quels enjeux discutés au “procès de l’IA” ?
Le procès fictif soulève plusieurs problématiques essentielles :
- Responsabilité et algorithmes : un accident provoqué par une IA (ex : voiture autonome) soulève-t-il la responsabilité de la machine, de son concepteur ou de son propriétaire ?
- Biais et discriminations algorithmiques : une IA qui commet des discriminations raciales, sexistes ou sociales doit-elle être impunément utilisée ?
- Consentement et vie privée : quelle place accorder à la transparence des algorithmes dans les choix quotidiens qui impliquent nos données ?
Ces situations provocantes mais basées sur des cas réels incitent le public à réfléchir au pouvoir des algorithmes dans nos vies, souvent caché mais pourtant déterminant. Ce tribunal d’un nouveau genre devient ainsi un espace d’éducation populaire, mais aussi potentiellement un embryon de réflexion politique sur la régulation future de l’intelligence artificielle.
L’IA au cœur de la vie quotidienne : comprendre pour agir
Des enjeux multiples, de l’éducation à la gouvernance algorithmique
L’initiative grenobloise illustre un changement de paradigme : l’IA n’est plus une technologie réservée aux ingénieurs, mais un enjeu citoyen structurant. De la santé à la justice, de la mobilité à l’enseignement, les algorithmes influencent l’accès à l’information, à l’emploi, aux droits sociaux.
Or, face à une telle pénétration, les actions éducatives sont essentielles. C’est pourquoi les acteurs impliqués dans la semaine de l’IA ont multiplié les interventions pédagogiques dans les écoles, les médiathèques, les tiers-lieux. On y apprend à reconnaître les deepfakes, à décrypter les modèles de recommandation des réseaux sociaux, ou encore à comprendre les mécaniques de Machine Learning.
Ainsi, cette démocratie technique en devenir repose sur un principe fondamental : l’acculturation numérique de tous les citoyens, quels que soient leur niveau d’études ou leur âge.
L’IA vue par ses utilisateurs : un outil, pas une autorité
Au fil des échanges et ateliers, une tendance s’est dessinée : de nombreux participants perçoivent l’intelligence artificielle non pas comme une forme d’intelligence supérieure, mais plutôt comme un outil de traitement automatisé, extrêmement puissant, mais qui doit rester au service de l’humain.
Ce renversement de perspective est fondamental pour les prochaines années. Il s’agit de maîtriser nos outils, pas de se soumettre à leur logique. Pour cela, il devient crucial d’intégrer ces questions dans les politiques publiques, le droit, l’éducation mais aussi dans la conception même des produits et services numériques.
Une dynamique locale qui témoigne d’une tendance nationale
Grenoble, territoire d’expérimentation autour de l’IA citoyenne
Le choix de Grenoble pour accueillir ces événements ne doit rien au hasard. Capitale européenne de l’innovation en 2022, la métropole alpine dispose de nombreux atouts : un tissu universitaire dense en sciences et en SHS (sciences humaines et sociales), un pôle technologique dynamique et une forte tradition d’engagement citoyen.
L’écosystème local intègre naturellement les débats technologiques dans ses politiques culturelles, éducatives et économiques. La collaboration entre centres de recherche, acteurs associatifs et institutions éducatives offre un terreau fertile à un dialogue entre science et société. C’est ainsi que les événements autour de l’IA prennent ici une dimension collective et constructive, au-delà des discours anxiogènes ou technophiles classiques.
Une démarche à potentiel de réplicabilité dans d’autres territoires
L’impact de cette initiative ne se limite pas à la région Auvergne-Rhône-Alpes. Elle montre la voie pour d’autres collectivités soucieuses de sensibiliser leur population aux enjeux numériques. De nombreuses municipalités se cherchent encore une “porte d’entrée” pour parler d’IA ; le format hybride entre culture, citoyenneté et pédagogie expérimenté à Grenoble pourrait servir de modèle réutilisable.
À l’heure où la France travaille à sa stratégie nationale d’intelligence artificielle, ces actions à échelle humaine enrichissent les réflexions plus institutionnelles autour des chartes éthiques IA, organismes de supervision des algorithmes, ou IA de confiance.
Conclusion : L’intelligence artificielle ne doit pas être un tabou technologique
Ce que démontre l’initiative “L’IA est là” à Grenoble, c’est que l’intelligence artificielle n’est pas seulement un objet économique ou technologique, elle est d’abord un objet politique, social et culturel. Si elle peut améliorer notre quotidien, elle peut aussi produire des effets systémiques délétères si elle échappe au débat public.
En mettant l’IA en procès, symboliquement et collectivement, les Grenoblois nous rappellent qu’il est encore temps d’agir, de comprendre, de décider. Car si l’intelligence artificielle dépend d’algorithmes, notre avenir face à elle dépend surtout de nos choix collectifs, de notre capacité à poser des questions, et à refuser de confondre automatisation et progrès.
Cette dynamique participative et éducative, ancrée dans le réel, offre une source précieuse d’inspiration pour quiconque cherche à créer une technologie réellement humaine et démocratique. Elle confirme que l’IA ne doit pas échapper au contrôle citoyen, mais au contraire s’y soumettre — dans le respect de valeurs communes, de la justice sociale à la transparence algorithmique.









